EDITORIAL

C’est un lieu commun de le dire, nous traversons une crise qui est non seulement financière, économique, sociale mais aussi de civilisation donc spirituelle. L’Institut ALCOR n’est pas compétent dans le domaine économique mais il peut aider à comprendre les enjeux spirituels. Nous allons tenter de le faire mais il nous faut auparavant rappeler une donnée fondamentale de l’évolution humaine.

L’âme humaine en incarnation au cours de nombreuses vies mais aussi souvent pendant une même vie, traverse deux phases : une phase d’involution et une phase d’évolution. Involution veut dire que le fragment d’âme incarné dans les enveloppes de matière (physique, émotionnelle, intellectuelle) aux fins de rédemption de ces matières, est complètement annihilé et se laisse entraîner vers les désirs matériels, les objectifs égoïstes, la séparativité, etc.. En revanche lorsqu’il parvient à se libérer de ces puissances matérielles, il aspire à une orientation vers les plans spirituels de l’existence, il prend conscience des besoins de l’humanité et se met à son service, il souhaite le partage avec tous les êtres humains et tous les êtres de la nature.

Il y a donc en permanence à la surface de notre planète deux humanités. L’une, largement dominante en Occident, en phase d’involution, caractéristique de cette puissante conscience individuelle et matérialiste. L’autre, minoritaire, où se retrouvent tous ceux qui ont foi dans l’Homme, foi dans le monde, foi en Dieu. Tous ceux aussi, qui comme nous le verrons, commencent à entrer, par les voies de la spiritualité, dans les chemins de l’intériorité. Dans tout ce que nous allons dire, nous ne portons aucun jugement du type « l’involution c’est le mal », « l’évolution c’est le bien ». Pour la bonne raison que ceux qui sont dans l’évolution aujourd’hui étaient hier dans l’involution et que ceux de l’involution d’aujourd’hui seront un jour dans l’évolution. Et puis il faut rappeler que nous sommes dans l’incarnation et que nous sommes perpétuellement en présence de ces deux puissances. Ce n’est pas pour rien que le Bouddha nous a parlé de la Voie du Milieu. En tenant compte de tout ce que nous venons de dire nous éclairerons la situation actuelle sous trois angles : la transition rayon 6 – rayon 7, la signification spirituelle de la Loi de l’Offre et de la Demande, l’évolution spirituelle de l’humanité en rapport avec la vie du Christ.

Nous le répétons souvent dans cette revue, le Rayon 6 (Dévotion, Idéalisme) a dominé notre ère chrétienne même si depuis 1625 il est déclinant. Au sens involutif (celui de la personnalité humaine et de la personnalité des nations) il a fortement stimulé les désirs matériels, la violence, le fanatisme. L’économie née en Grande Bretagne à la charnière entre la fin du 16° siècle et le début du 17° (règne de Elisabeth I), s’est vite trouvée emportée par ce flux d’énergie. Faite pour répondre aux besoins vitaux des hommes, elle s’est vite ajustée aux demandes nées de leurs désirs matériels. D’où cette frénésie de consommation exponentielle, cette course au profit et la bulle financière de nos temps actuels.

Quant au Rayon 7 (Esprit et matière au plan le plus concret, rythme, organisation) il émerge depuis 1675 et va accompagner nos 2000 ans d’histoire à venir. Au plan involutif il est source de chaos, de rigidité organisationnelle, de politiques dictatoriales comme celles que nous avons connues au 20° siècle. Au plan évolutif (celui de la libération de l’âme) il nous conduira vers une mondialisation où la fluidité des régulations entraînera plus de justice, plus de fraternité entre les hommes. Le Rayon 7 est celui qui élève à la vie. Dans un article remarquable paru dans le Monde du 13 juin 2009, Edgar Morin donne sa vision de l’écologie politique. « Une réforme de vie, nous dit-il, où viendrait à la conscience, ce qui est obscurément ressenti par chacun, que l’amour et la compréhension sont les biens les plus précieux pour un être humain et que l’important est de vivre poétiquement, c’est-à-dire dans l’épanouissement de soi, la communion et la ferveur ».

La Loi de l’Offre et de la Demande est à l’origine une loi profondément spirituelle en terme de Loi d’Invocation – Evocation ou dans les termes que l’économie a retenus. C’est la loi d’échange entre toute unité de vie et le Tout. C’est une loi d’équilibre et d’harmonie que notre humaine économie a complètement pervertie. Les « marchés » en effet ne reconnaissent pas les besoins mais les demandes. Les besoins qui sont les besoins élémentaires auxquels tout homme a droit : se nourrir, avoir de l’eau potable, se vêtir, avoir un toit, pouvoir se soigner, donner à ses enfants une éducation décente, etc.. Les demandes qui sont les appétits jamais rassasiés de notre émotionnel.

Enfin dernier point de convergence entre l’économique actuel et le spirituel ; l’humanité (au moins les âmes qui cherchent à se libérer de la matière) suit une évolution qui recouvre les grandes étapes de la vie du Christ : Naissance à Bethléem – Baptême au Jourdain – Transfiguration au Mont Thabor. Cette première initiation est la naissance du Christ dans le cœur de l’homme (se souvenir du dialogue entre Nicodème et le Christ sur la « naissance d’en haut »). Une partie de l’humanité est sur le point de franchir cette étape décisive de l’entrée sur le chemin de l’intériorité. Bethléem, nous est-il dit, veut dire « la maison du pain » qu’il faut partager entre tous. L’humanité est placée devant cette épreuve : elle doit partager pour « naître d’en haut ».