EDITORIAL
Le phénomène religieux n’a jamais été aussi présent dans l’humanité comme en témoigne une publication récente d’excellente qualité (l’Atlas des religions édité par La Vie/Le Monde, 2007). Les grandes religions (Christianisme, Judaïsme pour l’Occident, Islam, Hindouisme, Bouddhisme pour l’Orient) se partagent le monde : l’Islam gagne du terrain en Occident, le Bouddhisme qui ne représente plus que 1 % de la vie religieuse en Inde, s’implante de plus en plus en Occident par l’enseignement du bouddhisme tibétain ou du zen japonais. A remarquer aussi le retour des religions premières (Chamanisme, Vaudou, religions traditionnelles africaine et malgache, etc.). On redécouvre même la religion dans les pays où le communisme est encore puissant (Chine, Corée du Nord). A l’examen de cette cartographie religieuse on s’aperçoit aussi que le mariage de l’histoire et de la géographie fait des religions un enjeu majeur de la géopolitique. A vrai dire ce tableau est une surprise pour l’occidental que nous sommes et qui commence à parler de spiritualité, voire de spiritualité sans Dieu. C’est une gageure que de vouloir dresser un tableau commun à toutes les religions, la difficulté apparaît aussitôt que l’on veut comparer les religions occidentales et les religions orientales. Certains vont même jusqu’à dénier à ces dernières le mot de religions, une erreur à notre sens. Mais il faut bien reconnaître que le bouddhisme tibétain ou l’hindouisme relèvent plus de ce que nous appellerons la spiritualité. Religion, dit-on vient du latin « religare » (relier). C’est vrai, elles ont cherché à relier l’homme à Dieu, à relier les hommes entre eux par un message d’Amour universel. Elles ont insisté (surtout en occident) sur un Dieu transcendant au-delà des êtres et des choses. Elles ont polarisé l’acte religieux sur le dévotionnel, l’émotionnel. Il leur était difficile de faire autrement avec une humanité dont la conscience était, et reste encore pour une bonne part, très peu portée au développement mental. Mais en même temps que cette unité, qui donnait sens à la vie, s’affirmait, un danger guettait les religieux. L’institutionnel prenait de plus en plus d’importance, les croyances, les dogmes rem- plaçaient la pureté des messages révélés. Chaque religion défendait son territoire entraînant phénomène identitaire, communautaire, séparation, et de l’ouverture du message d’amour on passait à l’exclusion, à la haine, à la violence. Il n’en demeure pas moins que pour un nombre d’humains relativement important, la religion a représenté le creuset où l’amour au sens vrai du terme a pu s’épanouir. De l’essence de ces religions, s’est construite la Voie du Cœur ou Voie mystique. Alors pourquoi la spiritualité ? Pour comprendre ce terme de « spiritualité » il faut revenir à la racine du mot : esprit. La spiritualité n’est-elle pas la quête de l’esprit ? Esprit pur, certainement pas. Avoir cette prétention ce serait prétendre atteindre le Dieu transcendant. Notre réalité est esprit-matière. La spiritualité c’est saisir l’esprit dans la matière (dans cette terminologie esprit recouvre les mots d’âme spirituelle et étincelle divine). La matière, nous dit H.P. Blavatsky (Pierre Teilhard de Chardin reprendra le même thème), est esprit à son point le plus bas de la manifestation ; l’esprit est matière à son point le plus haut. L’ensemble du processus, ajoute le Maître D.K., est une extension de l’UN dans le multiple (c’est le propre de la matière qui tend vers la séparation, la différenciation) et une fusion du multiple dans l’UN (c’est le propre de l’esprit qui tend vers l’unité, vers l’amour). Dans une première approche nous dirons que la spiritualité est une saisie des relations entre esprit et matière. Ces deux mouvements ne peuvent-ils pas être visualisés comme deux spirales: le passage de l’UN au multiple une spirale s’écartant de plus en plus (spirale d’explosion), le passage du multiple à l’unité, une spirale fusionnant en un point (spirale d’implosion). Tout cela comme une immense respiration avec ses deux temps : expiration, inspiration. Avez-vous remarqué que le mot anglais « spirit » (esprit) se retrouve dans spire, spirale, spiritualité, expiration, inspiration ? De façon plus concrète ces réflexions nous rappellent les travaux de Viktor Schauberger à propos des vortex (ces spirales s’enfonçant dans l’eau ou épousant le sens du courant). Ces turbulences sont très probablement des capteurs d’énergie vitale (le prana de la culture hindouiste), l’énergie qui entretient la vie. La spiritualité présente un caractère d’universalité. La grille précédemment décrite peut s’appliquer à tous les domaines de la culture humaine: religeux, politique, économique, psychologique, scientifique, artistique, etc. Dans chaque cas nous devons nous poser la question : quelle évolution traduit-elle séparation et orientation vers la multitude matérielle – quelle évolution s’épanouit-elle dans le sens de l’unité, de l’amour, de la fraternité ? La spiritualité est donc une vision du monde qui vise à saisir la présence divine (l’esprit) en toute chose. Son objectif est la quête de l’immanence. Elle postule que les petits pas de l’immanence porteront un jour l’être humain vers la transcendance divine. La phrase de la Bagavad-Gita « Ayant imprégné l’univers d’un fragment de moi-même, moi je demeure » résume bien cela. C’est la quête de ce fragment dans la myriade des formes et du retour à l’unité qui représentent l’objectif de la spiritualité. Son outil est le mental, non pas le mental-intellect qui par nature est profondément séparateur, mais le mental ouvert, intuitif où rayonne l’âme spirituelle et dont le moyen d’accès est la méditation. Elle est la Voie de la découverte des lois de l’intériorité (ou Voie occulte), donc comme on s’en apercevra un jour une démarche plus scientifique que la démarche strictement religieuse. L’évolution humaine passe donc par deux étapes successives. D’abord la Voie du Cœur ou Voie mystique issue du fond de Sagesse des religions et dont les mots-clés sont amour, dévotion, aspiration, Dieu transcendant. Et puis il y a la Voie du mental, la Voie de la Tête dont les premiers pas ont été ceux de la Raison, de la science contemporaine, de la laïcité. Elle s’accomplit pleinement dans les Lois de l’intériorité, la spiritualité dont les mots-clés sont connaissance, esprit dans la matière, amour dans la matière, lumière de l’âme, intuition, Dieu immanent. La spiritualité du futur ne sera-t-elle pas la synthèse profondément vécue du Cœur et de la Tête?