EDITORIAL

La mort est un sujet qui depuis toujours fascine les civilisations. Sa haute teneur symbolique, son mystère, sa forte charge affective en font une source inépuisable d’inspiration artistique. L’impuissance à laquelle elle réduit l’être humain a donné naissance aux épopées de quête de l’immortalité : de l’épopée de Gilgamesh, au XVIIe siècle av. J.-C, aux quêtes de la fontaine de Jouvence ou de l’élixir de longue vie. Ce défi à l’inéluctabilité de la mort est aujourd’hui relayé par le mouvement transhumaniste qui, s’appuyant sur les progrès conjugués de la médecine, de la technologie et de l’intelligence artificielle, nous promet une ère où les humains auront le contrôle de leur évolution et pourront échapper à la mort.
Au-delà d’une perpétuité du corps physique, cette quête primordiale d’immortalité ne serait-elle pas issue de l’intuition d’une réalité qui nous transcende, celle de l’immortalité de l’âme et de la vie ? En intitulant cette revue « De la mort à la vie », c’est bien de l’immortalité de l’âme dont nous parlons. D’après le Phédon de Platon, la mort est la séparation de l’âme et du corps. Enfin délivrée de sa prison charnelle, l’âme immortelle peut librement rejoindre le ciel des idées.
Cette permanence de l’âme, et par conséquent de la vie au-delà de la mort, est pour certains une évidence ou une conviction, pour d’autres un espoir.
La science s’achemine-t-elle vers une telle démonstration ? La preuve de l’existence d’une conscience qui perdure alors que le cerveau physique est en état de mort irait en ce sens. C’est l’hypothèse du Dr Jean-Jacques Charbonnier avec ce qu’il appelle la « conscience intuitive extra-neuronale».
Bien plus encore, la mort est une véritable activité de l’âme, y compris quand elle survient de manière inattendue : « La mort est un acte de l’intuition transmis par l’âme à la personnalité et exécuté par la suite, conformément à la volonté divine, par la volonté individuelle ». Suivant la grande loi cosmique d’attraction et de répulsion, quand l’âme oriente sa conscience vers la matière, elle attire les substances nécessaires à la construction de ses enveloppes, puis au fil de l’expérience en incarnation, le corps soumis à l’entropie devient inadéquat à servir l’âme, l’attraction nouvelle pour l’Esprit provoque la répulsion pour la forme, qui se désintègre. Entre temps, la conscience s’est développée. Plus tard, l’âme orientera de nouveau son pouvoir d’attraction vers la forme et reconstruira un véhicule plus adapté. Ainsi, la mort n’est rien d’autre qu’un déplacement d’énergie.
Cette vision nous amène à reconsidérer le problème de la transition entre vie et mort. C’est la difficile question que pose « l’affaire Vincent Lambert », patient tétraplégique en état végétatif profond depuis dix ans. Puisque la mort est une activité de l’âme, la question est de savoir si l’âme persiste ou pas dans son emprise sur le corps physique. À ce sujet, le maître Djwal Khul nous dit que, lorsque la clairvoyance éthérique sera répandue, les soignants pourront reconnaître la direction impulsée par l’âme et la décision de prolongation ou d’arrêt des soins en découlera.
La mort physique se répète à la clôture de chaque incarnation. Elle nous est familière parce que nous l’avons tous très souvent vécue personnellement.
La « seconde mort » dont parle la Bible est celle de la disparition du corps causal à la quatrième initiation. C’est au moment où l’homme est totalement identifié à son âme que le corps de l’âme, lui-même, disparaît. L’homme renonce alors à toutes les expansions de conscience acquises dans ses multiples vies pour s’offrir en don à la Vie.
Ainsi toutes les formes meurent, c’est paradoxalement la loi de la vie.
Puisque la mort ouvre à la vie, pourquoi cette résistance et cette souffrance qui l’accompagnent si souvent ? L’homme a beaucoup de mal à accepter la mort, car il s’identifie encore à la vie de la forme et non à la conscience de l’âme. Et surtout, au-delà de la mort du corps, c’est le « pouvoir de renoncer » qui doit être acquis par le disciple dans sa conscience. C’est l’enseignement du Bouddha sur la « cessation du désir ».
La vraie mort, selon la loi, vient de ce que l’on a atteint l’objectif et qu’en conséquence l’aspiration a cessé. Ceci sera vrai, d’un être humain et du Logos lui-même, lorsque le cycle aura atteint la perfection et tirera à sa fin.
Rythmiquement, la mort met fin à l’ancien et institue le nouveau. Elle ponctue les cycles de la création non seulement des corps physiques, mais aussi des idéaux, des représentations de la vérité, des cultures. L’humanité vit en ce moment la fin d’un cycle en même temps que les valeurs d’un cycle plus spirituel se dessinent : compréhension aimante, fraternité, partage des richesses. Mais au préalable, à quoi devons-nous mourir ou renoncer pour entrer dans ce nouveau cycle ?

« Sortir des limites de notre sensibilité et de notre vision mentale, et atteindre à une liberté plus vaste, telle est la signification de l’immortalité. »
Rabindranàth Tagore, L’Inde et son âme.

« Les satisfactions égoïstes conduisent à la destruction, la renonciation conduit à l’immortalité. »
Gandhi, Lettres à l’Ashram.