Fanchon Pradalier-Roy

 

UNE LENTE CONQUÊTE DES LIBERTÉS INDIVIDUELLES ET COLLECTIVES

 

L’histoire de l’humanité peut être vue comme une lente conquête des libertés individuelles et collectives, durement arrachées à tous les systèmes de domination familiaux, sociaux et politiques, mais aussi à l’inertie propre à la vie humaine et à sa propension à se soumettre aux contingences avant de s’en émanciper.

 

Etienne de La Boétie1 a montré cette curieuse propension humaine à se soumettre aux contingences, aux idées ambiantes, aux conditionnements et jusqu’aux dominants eux-mêmes. C’est ce qui advient durant les 700 vies (nombre symbolique) sur la Croix Mutable durant lesquelles l’âme humaine est à l’épreuve de l’incarnation et de la construction d’un véhicule humain accompli en la forme d’une personnalité intégrée avec ses trois mondes. On peut dire qu’alors l’humain est « soumis » aux conditions de l’incarnation tant que son âme ne l’en libère pas en prenant les commandes lors des 70 vies d’éveil sur la Croix Fixe. C’est ce que prônent toutes les religions en promettant la « libération » par l’esprit.  C’est pourquoi le plus grand nombre est obéissant à l’ordre existant et que les évolutions historiques sont jusqu’alors le fait d’un petit nombre d’individus « éclairés » ; c’est-à-dire ayant déjà traversé l’inertie des 700 vies et s’employant activement à leur propre libération et à celle de leurs frères en suivant la lumière de leur âme. Car à ce niveau de conscience l’être humain considère toujours les autres comme des frères. D’où ce joli mot de fraternité accolé avec bonheur à celui de liberté et se prolongeant dans une recherche d’équité et de justice, formulé à travers le mot d’égalité… c’est-à-dire qu’aucun humain n’est plus ni moins important qu’un autre, que chacun a ses droits et son rôle à l’égal d’un autre. Ces trois termes de Liberté, Égalité, Fraternité, que la Révolution française a érigés en devise universelle, Sri Aurobindo les considère comme des « idées sœurs » à valeur spirituelle, qui résument en quelque sorte la nouvelle religion de synthèse de l’humanité du Verseau.

Ce long processus de libération de l’humanité est jalonné par des étapes fondamentales que nous pouvons résumer ainsi à la suite de celles rappelées par maître Djwhal Khul2   :

La vie du Christ lui-même « présente l’idée du sacrifice individuel, consciemment et délibérément offert au service de l’ensemble » et a prouvé que « la note dominante de la libération est le service ».

La signature de la Grande Charte3 le 15 juin 1215 entre le roi Jean Sans Terre et la noblesse, bien que n’étant entrée en vigueur qu’une dizaine de jours et ne concernant que les nobles, a posé pour la première fois « l’idée de se libérer de l’autorité en mettant l’accent sur la liberté personnelle et les droits de l’individu4 », idée qui n’a dès lors cessé de grandir pour concerner, au-delà de la noblesse, tous les individus, y compris les femmes. En 1689, l’Habeas Corpus et le Bill of Rights affirment les droits et les libertés individuelles dans la société anglaise.

Dans le cycle Renaissance et Lumières (1399-1892) du Grand Cycle de civilisation de 4000 ans débuté en 577 avant notre ère5, les notions de liberté de culte et de conscience se sont imposées, à travers de longues guerres de religion (dont la terrible Guerre de Trente ans) ; puis le siècle des Lumières a mis en avant les libertés civiles et civiques à travers la guerre d’indépendance des États-Unis et la Révolution française.

La Déclaration d’indépendance des États-Unis le 4 juillet 1776 détermine les droits des citoyens de la nouvelle nation qui se libère de la tutelle anglaise.  La Révolution française de 1789 a mis l’accent sur la liberté humaine en général et, en l’alliant aux autres notions d’Egalité et de fraternité́, a en quelque sorte sécularisé les valeurs du christianisme6.  La République française a pour la première fois, en 1794, aboli l’esclavage7. Il a été aboli progressivement dans l’Empire britannique à partir de 1833 et définitivement aux États-Unis entre 1863 et 1865.

À l’issue de la tragédie des deux guerres mondiales, des nations se sont alliées pour se libérer des projets totalitaires et, à l’issue de ce qui a été́ nommé dans tous les pays en mai 1945 : la Libération, ont créé une instance unifiée, l’Organisation des Nations-Unies (ONU), adoptant fin 1948 une Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH).  Certains pays arabes, la Chine et l’Afrique du Sud, sous le régime de l’apartheid, s’abstiendront le jour du vote en assemblée générale, mais il n’y eut point de voix contre. Bien que n’ayant aucune valeur juridique, ce texte est une proclamation des droits humains fondamentaux et des aspirations légitimes de tous les humains et se positionne comme un idéal commun à atteindre par tous les peuples, tout en précisant les moyens d’y accéder : l’enseignement et l’éducation. Elle pose dès l’article premier, rassemblant à nouveau les trois idées-sœurs :

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » En plus de la « raison » qui chemine dans l’esprit collectif depuis le XVIIe siècle de la Raison, puis le XVIIIe siècle des Lumières, un terme fait son apparition, la conscience ! Signe d’un saut dans la conscience qui, de simplement rationnelle au niveau de la pensée et de la personnalité́, s’ouvre à l’esprit de fraternité et donc au supra-mental et au niveau supérieur du cœur et de l’âme. Et signe d’un retournement en cours d’une partie de l’humanité́, au moment où Pluton va cheminer pendant 20 ans dans le signe du Verseau et activer toute la Croix Fixe et son Ascendant, le Taureau, chargé de l’Illumination ?

Un vaste chantier a débuté au XXe siècle, celui de la libération des femmes : par la reconnaissance de leurs droits civiques d’abord, puis par la lente conquête du droit d’être les égales des hommes dans la société (notamment par la représentation et les rémunérations), mais aussi dans la famille (le droit de se marier et de divorcer librement, la pénalisation de l’inceste et des violences conjugales, le partage de l’autorité parentale en attendant le réel partage de la charge mentale), et enfin par le droit de disposer de leurs corps (allant du droit de se vêtir librement, au droit à la contraception et à l’IVG, sans oublier la pénalisation des violences sexistes et sexuelles).

Ce chantier est loin d’aboutir, mais il est d’ampleur, car il concerne la moitié de l’humanité́ ! À la suite, ne faudra-t-il pas un jour conscientiser clairement la question de la libération des enfants ?

 

1 Discours sur la servitude volontaire.

2 Guérison Ésotérique, §259-262

3 « La magna charta, fierté anglo-saxonne », dans Courrier International du

5/9/2013.

4 Guérison Ésotérique, §259-262.

5 Voir mon précédent article, « L’évolution des relations Orient-Occident à

travers les grands cycles astrologiques », dans le Son Bleu n° 40.

6 Voir mon ouvrage La Destinée de la France – Essai sur une astrologie des civilisations, 2013.

7 Il a été rétabli par Napoléon en 1802 pour maintenir l’empire colonial français face aux Anglais, pour être définitivement aboli en 1848.