Article de Marie-Agnès Fremont revue 39 – page 33

 

Virtuel, imaginaire et jeux vidéo

Les technologies virtuelles de la communication changent-elles notre comportement, notre psychisme, ainsi que nos rapports avec autrui ?
Quels critères pourraient nous aider à différencier l’usage normal qui enrichit notre monde de l’usage pathologique qui, à l’inverse, nous isole et appauvrit notre psychisme ? Une vigilance est nécessaire pour les jeunes en train de se construire psychiquement.

La question est d’interroger l’impact des nouvelles technologies (techniques de communication virtuelle, jeux vidéo) sur l’imaginaire et la construction psychique de l’être humain. La question est d’autant plus importante que l’usage des nouvelles technologies et l’énorme attrait pour les jeux vidéo concernent particulièrement les jeunes gens, les adolescents ou les enfants chez qui le développement du cerveau et la construction psychique sont en cours.
Quand une personne joue à un jeu vidéo, va sur Facebook ou surfe sur la toile, quelle est son activité mentale ? Quel est l’impact sur sa construction psychique ?

Fonction de l’imaginaire dans la psyché

L’imagination humaine est source de nombreuses productions : rêveries éveillées, fantasmes, récits, projets, idéaux, etc. Une partie de ce monde intérieur prendra la forme de créations et d’actions. Il apparaît d’emblée que l’usage des technologies numériques pour, entre autres, chatter avec des amis virtuels, partager sur Facebook, alimenter son blog, s’adonner à un jeu vidéo, etc., ouvre un monde qui sollicite fortement l’imaginaire de l’utilisateur. Quelle est la fonction de l’imaginaire dans la psyché humaine ?

         Selon les enseignements de la Sagesse

Les enseignements de la Sagesse, et particulièrement l’enseignement transcrit par Alice Bailey, décrivent la structure psychique et spirituelle de l’être humain en différents niveaux qui s’interpénètrent (voir schéma figure 1 ci-dessus) :

  • Un corps physique avec sa partie immatérielle constituée par le corps éthérique,
  • Un corps émotionnel, corps des désirs. Son niveau inférieur est très lié aux désirs archaïques à peine psychisés, aux pulsions et aux désirs purement matériels. Son niveau supérieur alimente l’idéal et l’aspiration vers les valeurs de l’âme.Un corps mental, corps de la raison ; il a une fonction d’organisation et de direction en fixant des objectifs. Son niveau inférieur constitue l’intellect qui structure et organise les désirs de la personnalité. Son niveau supérieur est le monde de la pensée et des idées pures, là où réside l’âme.
  • La synthèse des niveaux physique, émotionnel et intellect constitue la personnalité ou petit égo.
  • Dans le mental supérieur, notre être spirituel, l’âme nous ouvre aux valeurs du bien commun.

L’imaginaire est par essence une activité et une production du corps émotionnel. Mais il est caricatural d’opposer le corps de la raison au corps des désirs, car c’est l’articulation de ces deux corps qui permet de comprendre les différents degrés de fonctionnement de l’imaginaire. En effet, l’énergie mentale peut interpénétrer toutes les strates du corps des désirs. Chez tout être humain, l’intellect est étroitement imbriqué avec le corps émotionnel. Cette interaction permet la gestion et l’organisation des désirs de la personnalité afin d’aboutir à leur réalisation ou les contrôler1. Bien plus, quand l’énergie mentale interagit avec les niveaux supérieurs du corps émotionnel, elle stimule et organise les aspirations supérieures de l’être et, là aussi, elle contribue à leur réalisation en les orientant vers un futur désiré et à les manifester ; c’est l’imagination créatrice.

         Dans notre culture occidentale

La tradition philosophique occidentale a été très méfiante à l’égard de l’imagination. Nicolas Mallebranche2 la traite de « folle du logis » qui s’illusionne et encombre l’esprit de délires et de chimères de toute sorte. Sigmund Freud y voit l’expression des pulsions refoulées. Puis Carl Jung y repère des archétypes universels. Longtemps associé au monde des rêves et fantasmagories coupées du réel, le grand partage entre le rêve et la réalité, entre l’imagination et la réalité est remis en cause aujourd’hui.
Au sein de la philosophie et des sciences humaines, les chercheurs3 récusent ce découpage et accordent à l’imagination un nouveau statut4 : elle peut être un outil mental indispensable pour penser le monde réel et agir sur lui. Elle est une force mobilisatrice qui pousse à voyager, entreprendre, s’engager, investir et dépenser, créer, etc. Albert Einstein eut recours à de puissantes images mentales pour concevoir la théorie de la relativité.
Certes, l’imagination peut servir à s’évader du réel, mais aussi à le penser et à agir sur lui.

L’imaginaire et les technologies nouvelles

Les jeunes adultes nés à l’ère numérique, aux alentours de l’an 2000, ceux que l’on appelle les digital natives, et après eux les adolescents d’aujourd’hui, affichent un engouement marqué pour les technologies de la communication. Rêveries, imagination, représentations sont essentielles dans la construction de leur monde intérieur. Avec les écrans, le pouvoir de virtualisation assisté par ordinateur se trouve amplifié et facilité. L’utilisation de ces nouveaux outils et supports va-t-elle interférer avec leur appropriation des différentes fonctions de l’imaginaire ?

Jeux vidéo et niveaux de fonctionnement psychique

La façon dont ils vont utiliser ces outils va nécessairement dépendre de leur propre niveau de fonctionnement psychique.

Le refuge dans le fantasme et la rêvasserie

De tous temps, pour échapper à une situation qui l’ennuie, ou pour fuir une réalité interne ou externe problématique, l’être humain peut se réfugier dans un fantasme. Il s’imagine se produisant sur scène, recevant les ovations du public ou accomplissant des actes héroïques. Cette rêverie éveillée n’a aucun rapport avec sa vie réelle ni même avec ses désirs personnels. C’est une rêvasserie passive qui fait écran à une situation qu’il vit comme pénible. Son niveau de fonctionnement psychique est peu avancé. Selon le schéma 1 ci-dessus, seuls les niveaux inférieurs du corps émotionnel sont utilisés, d’une façon passive, sans intervention organisatrice de la pensée. Pour mettre en oeuvre ce fonctionnement, les jeux vidéo procurent facilement un espace de toute puissance fantasmatique dans lequel tout est possible.

La mise en scène de désirs plus ou moins conscients

Dans les jeux vidéo, ce qui est au premier plan est la possibilité de réaliser dans l’imaginaire des désirs qui trouvent leur origine dans des situations de la réalité. Celui qui rêve met en scène ses désirs secrets amoureux et/ou agressifs plus ou moins conscients. En exprimant son état psychique via l’ordinateur, il va choisir des jeux centrés sur la rivalité et la rencontre qui lui permettent d’apaiser de façon décalée ses désirs à l’égard des personnes de son entourage. Il met en scène la complexité de ses désirs personnels, mais il ne s’engage pas pour autant dans la concrétisation de son projet.
Dans ce cas, le rêveur fonctionne psychiquement de façon kama-manasique ; son intellect intervient pour mettre en scène ses désirs secrets. Le rêveur peut raconter l’histoire qu’il est en train de jouer, mais il ne fait pas automatiquement le lien avec sa situation dans le monde réel. Ainsi, une jeune femme de 35 ans est en difficulté avec l’autorité masculine particulièrement dans son travail. En arrêt maladie, elle s’adonne massivement au jeu World of Warcraft. Son avatar est une elfe fragile, peu résistante si elle est attaquée, mais protégée par « un soigneur ». Bien qu’elle soit toujours en seconde position et dispensée de responsabilité directe, elle est dédiée « aux dégâts » perpétrés aux adversaires ; elle a notamment développé le pouvoir de jeter des sorts. Cette jeune femme réalise de la sorte dans l’imaginaire ses désirs agressifs et vengeurs. Elle peut jeter un sort aux ennemis (son hiérarchique) et les transformer en animaux serviles. Elle apaise ainsi d’une façon décalée sa difficulté, mais, comme elle ne fait pas spontanément le lien avec sa réalité, elle ne développe pas pour autant le courage de l’affronter

Imaginer : la projection vers le futur

La différence entre rêverie et imagination est importante. Serge Tisseron, psychanalyste, distingue le rêve éveillé de l’imagination proprement dite5 : l’imagination cherche à ancrer les désirs dans des plans d’action, à tisser des projets, marier le rêve et le réel, alors que la rêverie est plus vagabonde et plus affranchie des contraintes du réel. L’imagination est une orientation volontaire de l’esprit en vue de résoudre un problème ou d’anticiper un évènement redouté ou désiré. La pensée est alors utilisée dans sa fonction directrice et créatrice.
Le passage du rêve à l’imagination créatrice se réalise lorsque nous décidons de transformer notre environnement réel. Les rêves se font projets et l’imaginaire prépare au réel. Par exemple, l’adolescent introverti qui se sent mal à l’aise dans des interactions sociales réelles peut, à travers les réseaux, se préparer à des rencontres réelles. Il recherche souvent à s’investir sur le Net et peut évoluer progressivement vers une meilleure aisance dans les relations de la vie quotidienne.
Il apparaît donc que l’usage des technologies numériques dépend nettement du niveau de construction psychique de l’utilisateur. Un autre critère important pour appréhender la relation entre l’outil numérique et le fonctionnement psychique est le type d’interaction proposé par le jeu.

Les types d’interaction

Tous les jeux vidéo sont actuellement construits sur le modèle « bac à sable », c’est-à-dire que le joueur y construit son propre parcours. Il le fait en développant deux types d’interaction possibles

Les interactions sensorielles et motrices

Dans ce type d’interaction, le joueur est essentiellement occupé à surveiller l’apparition de certains objets sur son écran afin de les faire disparaître ou de s’en emparer. Les réponses motrices sont stéréotypées. Les émotions mises en jeu une grande place au stress ; les angoisses sont archaïques (morcellement, désintégration…). Le jeu centré sur les interactions sensorielles et motrices est compulsif et stéréotypé. Il est adopté par l’être dont le développement psychique est peu avancé ou qui cherche à fuir la réalité, ou surtout ne plus penser, car ces répétitions motrices tiennent sa pensée à l’écart. C’est la rêvasserie, niveau inférieur du fonctionnement émotionnel décrit ci-avant.

Les interactions émotionnelles et narratives

Dans cette façon de jouer, l’interactivité avec le partenaire ou la situation est d’abord émotionnelle et la réponse corporelle est moins immédiate ; le joueur réfléchit avant d’agir. Les émotions mises en jeu sont complexes et s’appuient sur l’identification et l’empathie. Il y a une histoire avec d’autres, dans laquelle il s’implique en mettant en scène ses désirs. Ce type d’interaction sollicite la fonction kama-manasique et peut être support de l’imagination créatrice décrite ci-avant.
Les jeux vidéo permettent donc à chaque joueur de choisir sa façon de jouer qui mobilise un fonctionnement psychique spécifique. Le jeu socialisant nécessite un équilibre entre ces deux formes d’interaction. La question prend une importance particulière quand il s’agit d’êtres dont la construction de l’appareil psychique est en cours.

Impact chez les adolescents et les jeunes adultes

Les jeunes gens nés à l’ère numérique sont massivement utilisateurs des technologies numériques. Cet attrait s’explique parce que cet univers est fondamentalement le leur : « ils sont nés dedans », et aussi parce que ce monde virtuel s’accorde parfaitement à ce qui caractérise leur construction psychique d’adolescents ou de jeunes adultes : la quête d’identité et le développement de l’idéal.

Quête d’identité et développement de l’idéal

La quête d’identité est un travail psychique essentiel à l’adolescence ; « Qui suis-je ? », « Quelles sont mes valeurs ? », « Comment vais rôles, la création de différents avatars en 3D, les jeux multi-joueurs en ligne, les blogs, sont autant d’espaces de mise en scène de soi qui répondent désormais à ce besoin essentiel de l’adolescent. À cet âge, jouer avec plusieurs identités est une façon de se chercher, de tenter de cerner son identité à travers des identités multiples et successives, d’explorer l’environnement à partir de ces personnages virtuels, de mettre ses valeurs à l’épreuve. Ce sont autant de fragments de soi à apprivoiser. Le plus souvent, l’avatar incarne une facette idéale de soi. Il triomphe des monstres, dirige un empire. Et, à d’autres moments, il révèle la part sombre, ce que la saga de la Guerre des étoiles appelle « le côté obscur de la force ».

            Incidences sur la construction psychique

Si le monde numérique s’accorde à la quête adolescente, son incidence sur le psychisme n’est pas neutre, autant pour le jeune que pour l’adulte. Les développements précédents ont exposé la fonction créatrice de l’imaginaire qui prépare à la transformation du monde réel. Cet impact créateur peut être positif mais également délétère. Si un jeune n’a pas réussi à développer dans son enfance une estime suffisante de lui-même, il peut à l’adolescence tenter de dépasser ce handicap en donnant forme à un avatar qui correspond à ce que le psychanalyste Heinz Kohut appelle un « Soi grandiose idéalisé ». Son identité virtuelle possède des atouts exceptionnels qui le font remarquer et admirer. Et, à son détriment, le fossé se creuse progressivement entre la représentation de ses propres capacités dans le réel et cette image idéalisée à jamais inatteignable.
Chaque jour, des millions d’individus, jeunes et moins jeunes, changent de monde et endossent de nouvelles identités. Cet « effet Prothée »6 n’est pas sans incidence sur leur psychisme. Des travaux ont montré combien revêtir un avatar peut influer sur le comportement. En 2009, une équipe de l’université Cornell (États Unis) a demandé à des sujets d’adopter un avatar : certains étaient vêtus de blanc et d’autres de noir ou attifés comme des méchants. L’expérience a montré que ceux vêtus de noir ou attifés comme des méchants avaient antisociaux que ceux habillés en blanc7. Y a-t-il des critères pour aider à différencier entre l’utilisation normale et pathologique chez les jeunes et moins jeunes ?

Usage normal et usage pathologique

Plusieurs critères entrent en jeu pour tenter d’identifier un usage problématique des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC).
Le critère du temps passé à jouer aux jeux vidéo varie avec l’âge. Les usages excessifs se développent considérablement pendant la crise d’adolescence, mais, pour la très grosse majorité des utilisateurs, ils constituent un état transitoire qui passe avec le temps. II est donc important de ne pas se baser uniquement sur le temps passé, mais de prendre en compte la baisse des résultats scolaires, la réduction des autres activités (notamment sportives), la tendance à l’isolement (appauvrissement du réseau relationnel).
Ne pas oublier que les circuits cérébraux qui correspondent au contrôle des impulsions ne s’établissent définitivement qu’à la fin de l’adolescence, voire à l’entrée dans l’âge adulte. En conséquence, laisser un jeune avoir un accès illimité à internet la nuit constitue une forme de maltraitance, car il n’a pas encore les moyens psychiques de réguler sa propre consommation d’écran. La nature des interactions développées est un autre critère important. Celui qui joue en réseau avec des partenaires qu’il connaît et qu’il retrouve régulièrement dans sa vie concrète, témoigne à la fois de sa vie psychique intime et de ses préoccupations sociales. Pour lui, le jeu constitue un enrichissement. Le passage du normal au pathologique se produit quand le joueur passe d’interactions complexes, dans lesquelles l’empathie est possible, à des interactions sensori-motrices exclusives consistant en la répétition stéréotypée des mêmes tâches. Le jeu devient une activité compulsive, une fuite qui appauvrit mentalement et désocialise. Les parents et les thérapeutes doivent donc être vigilants et inciter les joueurs à développer la construction d’une identité narrative dans leur façon de jouer et en les encourageant à leur raconter l’histoire qu’ils sont en train de jouer et de créer.

            Virtuel et réel

Dans le Petit Robert, ce qui est virtuel désigne « ce qui est à l’état de simple possibilité ». C’est bien ce qui caractérise nos relations par écran interposé ; elles donnent l’illusion d’une réalité alors qu’elles sont seulement un aperçu de relation. Le virtuel au sens large est d’abord psychique, indépendamment du fait qu’il soit mis ou pas en oeuvre par une technologie numérique. Le virtuel psychique est constitué de nos préconceptions, des images et des idées que nous nous faisons sur les gens et les choses. Mais cette image est forcément différente du réel ; c’est pourquoi, dans la rencontre avec l’autre dans sa réalité, l’être doit être capable de la transformer pour s’adapter. Par exemple, si un demandeur d’emploi prépare un entretien d’embauche, il imagine ce qui va se passer, il prépare des réponses à des questions supposées, il affronte le recruteur avec l’image qu’il s’est fait de lui. Tout cela constitue le virtuel psychique de ses préconceptions et attentes, forcément différentes de la réalité. La réussite de l’entretien dépend de la capacité du sujet à s’adapter quand la relation s’actualise. S’il ne parvient pas à s’accorder au pôle concret de la relation, il court le risque d’adopter vis-à-vis de son interlocuteur un positionnement inadapté. La technologie numérique augmente considérablement le champ d’action du virtuel, au point même que, dans le langage courant, les termes « virtuel » et « numérique » sont souvent amalgamés. Virtuel ne doit pas être confondu avec imaginaire. La forme de relation mise en jeu dans les espaces virtuels d’internet est en effet différente à la fois de la confrontation avec un interlocuteur réellement présent et de la relation imaginaire avec un interlocuteur rêvé.

  • Dans une confrontation réelle, la mise en présence est corporelle et les cinq sens sont impliqués. Nous pouvons voir, entendre et toucher les personnes avec lesquelles nous entrons en relation.
  • Au contraire, lorsque nous imaginons un interlocuteur, nous n’avons avec lui aucun lien de sensorialité. Nous ne pouvons pas le voir avec nos yeux, ni l’entendre avec nos oreilles, ni le toucher avec nos mains, et nous pouvons lui prêter toutes les attitudes et tous propos que nous désirons : il ne nous contredira pas !
  • La relation virtuelle, elle, n’est ni réelle ni imaginaire.

L’interlocuteur y est réellement présent, mais à travers seulement une ou deux modalités sensorielles, la vue et l’ouïe. Cette forme de relation place donc son usager dans un équilibre instable entre jeu et réalité. Pour cette raison, les rencontres virtuelles faites via les sites de rencontre induisent souvent en erreur. Si la rencontre a finalement lieu, les deux partenaires réalisent qu’ils ne se reconnaissent pas alors qu’ils ont pu se confier des leurs secrets les plus intimes et ils peuvent être envahis par les informations sensorielles qui étaient absentes virtuellement et notamment dans le domaine olfactif ! Et que pen-entièrement virtuel, qui permettrait à chaque individu de mener une seconde vie numérique à l’aide d’un avatar ?

Dans un tout autre domaine, au carrefour de la médecine, de la psychologie et des neurosciences, les psychothérapies utilisant la « réalité virtuelle » font l’objet d’études notamment dans le traitement des phobies. Le principe est d’affronter les situations anxiogènes sur écran (foule, avion, araignée). L’objectif est d’aider le patient à réduire son anxiété en l’exposant à ces situations afin de le désensibiliser par un phénomène dit « d’habituation ». Cette approche virtuelle utiliserait donc l’imaginaire comme support afin d’aider le patient à rééduquer sa capacité à affronter l’objet phobique. Mais là encore, le patient doit pouvoir s’adapter aux incohérences sensorielles entre le monde virtuel et le monde réel et il va de soi que ces thérapies sont totalement à proscrire pour des patients souffrant d’un détachement de la réalité.

            Conclusion

L’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication ouvre à une dimension nouvelle avec des apports positifs et aussi des apports problématiques. Nous pouvons utiliser les pouvoirs de virtualisation de nos ordinateurs pour avoir plus de relations authentiques et riches, ou au contraire des relations réduites à ce que nous souhaitons. Nous pouvons nous préparer à la réalité, mais aussi nous isoler d’elle. Pour les jeunes en cours de construction psychique, un accompagnement parental constructif et vigilant est nécessaire. 

1 C’est ce qui est appelé la fonction kama-manasique (du sanscrit : kama = émotionnel et manas = mental)

2 Philosophe français (1638-1715)

3 Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, (1960)

4 Delphine Bellis, Les expériences imaginaires en physique, Sciences Humaines, NÅã 221, 2010.

5 Serge Tisseron, Rêver, fantasmer, virtualiser. Du virtuel psychique auvirtuel numérique, Dunod, 2012.

6 Prothée : personnage mythologique capable de changer de forme àvolonté.

7 Rémi Sussan, L’impact psychologique des mondes virtuels, Sciences

Humaines N° 273, 2015.

8 Le mot métaverse, contraction de meta et univers signifie littéralement au-delà de l’univers. C’est le graal que poursuivent les géants du web.