Article de Laurent DAPOIGNY revue 31 – page 2

 

LA MATIERE ET LA CONSCIENCE DE LA MATIERE

Au cours de cet article deux conceptions de la conscience seront étudiées. La vision classique présentée par la science qui voit la conscience émerger de la matière, et plus spécifiquement du cerveau. Et celle issue à la fois de la nouvelle physique et de la vision spirituelle de l’homme, qui voit une conscience liée à toute matière et qui est comme observatrice du monde physique. Ce deuxième point de vue, propose l’existence d’une évolution de la conscience qui est parallèle à celle de l’évolution de la matière.

Lorsque l’on parle de conscience, l’une des premières pensées qui vient à l’esprit est de l’associer au cerveau. Le postulat de base propose que le cer­veau soit à l’origine de la conscience et le produit. A ce jour, cependant, elle reste évanescente et la matière de la conscience reste toujours à découvrir. Différentes théories sur la conscience et son lien avec le cerveau seront abor­dées dans la première partie de cet article. Notre regard s’élargira ensuite pour une vision innovante et pourtant admise par la spiritualité depuis des milliers d’années, celle de la dissocia­tion de la conscience et du cerveau. Cette deuxième partie abordera entre autre la physique quantique pour aboutir à la question de la conscience de la matière et de sa possible origine.

Deux visions s’opposent sur l’origine de la conscience. Une vision matéria­liste qui voit la conscience comme un épiphénomène de la matière et consi­dère que la conscience est issue de la matière. Ici, la conscience serait pro­duite par le cerveau de la même façon que le foie produit la bile. Cette vision se base sur la matière, celle-ci étant définie comme étant la nature de la conscience et donc à son origine. Le sujet abordé est à proprement parler, celui de la matière de la conscience.

L’autre vision est celle des spiritua­listes. Ici, la conscience est plus subtile que la matière. Elle ne provient pas de la matière. Elle est vue au contraire comme actrice dans la matérialisa­tion du monde. La conscience s’associe ainsi à la matière, à toute matière ou structure, de la simple particule au cosmos. On entre dans le domaine où la matière a une conscience. Le sujet abordé est alors celui de la conscience de la matière.
Ces deux grandes représentations de la conscience, traitant d’une part de la matière de la conscience et d’autre part de la conscience de la matière seront abordées dans les deux parties suivantes.

LA MATIÈRE DE LA CONSCIENCE

La conscience chez l’homme et chez les animaux

L’arrogance de l’homme est à la mesure des dégâts écologiques qu’il cause aux différents règnes de la nature, aux écosystèmes et à la planète dans son ensemble. Avec l’émergence de notre société basée sur une vision matérialiste de la science, l’homme s’est cru au-dessus de tout. Et au sommet où il s’était placé, seul lui, ou presque, était conscient, seul lui, aboutissement de la création ou de l’évolution, était intelligent et ainsi, bien supérieur aux animaux et à la nature relégués comme étant de simples objets sans conscience dont il avait la jouissance. Je me souviens de mes cours de biologie où les animaux étaient décrits comme de simples automates réagissant à des stimuli, ce qui était proposé par Descartes (1596-1650). Cette vision excessive est heureusement de plus en plus obsolète. Darwin affirmait pourtant dans ses écrits que les émotions et la conscience nous venaient des animaux. Et enfin, il est aujourd’hui admis que l’homme n’a pas l’apanage de la conscience. Alors ? Qu’est-ce qui distingue principalement l’homme des animaux ? Ne serait-ce pas une caractéristique spécifique de la conscience :

l’auto-conscience ou la connaissance de soi ?

La conscience de soi caractérise le fait que la conscience se retourne sur elle-même et, s’observant, prend conscience de l’être qui la porte. Il devient ainsi auto-conscient. Il peut avoir connaissance de soi et se comprendre, et bien sûr connaître et comprendre un tant soit peu les autres.

L’homme est auto-conscient. Il sait qu’il est et c’est ainsi qu’il peut avoir la possibilité de s’observer consciemment. Le test de la tache et du miroir est un moyen de déterminer la présence de la conscience de soi. Si on vous colle une pastille colorée sur le front quand vous dormez, en vous regardant au réveil dans la glace, vous vous verrez avec la pastille sur le front, et l’enlèverez. Se regarder dans le miroir et y reconnaître sa propre image révèle l’auto-conscience. Chez l’homme, elle se développe à partir de six mois. Mais il est admis aujourd’hui qu’il n’a pas l’apanage de l’auto-conscience. En effet, il s’avère que de nombreux animaux la possèdent également.

Les animaux sont conscients sans nécessairement en avoir conscience. Certains cependant ont développé cette capacité d’auto-conscience. Si vous avez un animal domestique, vous pouvez lui faire passer le test de la tache et du miroir. Au réveil, montrez lui un miroir. S’il se reconnaît dans le miroir, il manifeste la présence d’une auto-conscience et essayera sans doute d’enlever la pastille colorée. Sinon, il réagira comme s’il voyait un de ses congénères dans le miroir sans comprendre que c’est lui qu’il voit en vérité.

Eléphants, dauphins, corbeaux, pies, perroquets, chimpanzés, orangs outans manifestent l’auto-conscience. Et la liste n’est pas exhaustive. L’homme est descendu du trône sur lequel il s’était mis. Qu’est ce qui le distingue alors spécifiquement des animaux ? Son mental élaboré qui analyse et est capable d’observer avec attention, d’élaborer des modèles, de regarder le passé et l’avenir, et donc de faire des projets qu’il peut réaliser. Associé à ce mental, il possède également un langage élaboré qui lui permet d’échanger et de faire des projets avec son groupe. Et tout le monde le sait, l’union fait la force. Mais revenons à la conscience. Est-elle produite par le cerveau que l’on a en commun avec les animaux ? Et si oui, comment ?

La conscience produite par le cerveau ? Quelques modèles et théories de la conscience…

Dans la théorie scientifique matérialiste, il a fallu attendre le développement du cerveau pour que la conscience puisse ensuite émerger. Aujourd’hui, les nouvelles techniques d’imagerie cérébrale (tomographie par émission de positrons TEP, magnéto encéphalographie MEG, imagerie par résonance magnétique fonctionnelle IRMF) permettent de visualiser le fonctionnement du cerveau. Elles nous éclairent sur le fonctionnement normal ou anormal du cerveau et tentent de comprendre le phénomène même de la conscience.

Cependant, malgré les progrès techniques et les observations en direct du fonctionnement normal ou pathologique du cerveau, la science ne permet pas d’approcher l’origine des mécanismes fins de la conscience. Rien, dans ces images montrant le cerveau en action ne nous dit comment la conscience s’élabore.

Mais les théories pour expliquer la conscience sont nombreuses. La plus élaborée est sans doute celle de Gerald M. Edelman (1929-2014), prix Nobel de médecine (1972). Il distingue une conscience primaire présente chez les animaux et sans doute apparue il y a 300 millions d’années et une conscience secondaire ou conscience supérieure. La conscience se créerait à partir des interactions entre des cartes neuronales, petits ensembles de neurones travaillant sur une tâche spécifique. Selon sa théorie, la connectivité au sein du cerveau crée la conscience. La conscience s’élaborerait ainsi de façon interne. Des signaux entrent, sont traités puis ressortent des cartes 3neuronales permettant la catégorisation des données et in fine l’action appropriée. La réentrée des signaux dans le groupe neuronal permet une nouvelle analyse, une analyse de l’analyse en quelque sorte, et Edelman propose que la conscience émerge de cette activité réentrante, boucle de rétroaction du traitement de l’information. La conscience secondaire ou supérieure apparaît avec un niveau supplémentaire de traitements : la particularité de pouvoir classer par catégories les processus de la conscience primaire elle-même. Il s’agit bien d’un niveau supplémentaire de traitement des données. La conscience de soi apparaît alors, laquelle s’accompagne de la capacité de modéliser le monde. Alors que la conscience primaire n’a conscience que du présent, la conscience secondaire élabore des scénarios et les intègre dans une vision du passé et du futur. Cette théorie intègre bien la conscience chez les animaux et ensuite, l’apparition de l’auto-conscience ou la conscience de soi.

Pour Jean Pierre Changeux, l’homme est un paquet de neurones et la conscience reste cantonnée à un phénomène physico-chimique et biologique. Pour Gilbert Chauvet1 (1942-2006), la conscience proviendrait d’un couplage entre les sécrétions neuronales et l’activité électrique du cerveau, se traduisant par une unité fonctionnelle, siège d’un processus émergeant, la conscience. Bien qu’émergeant du phénomène biologique, la conscience est cependant une fonction non physiologique. Elle se rapprocherait ainsi plus de l’univers physique.

D’autres théories, comme celle du neurologue Sir John Eccles (1903-1997), prix Nobel de médecine (1963), proposent de rapprocher les mécanismes moléculaires fins ayant lieu au niveau des synapses avec les phénomènes quantiques. Le cerveau serait une interface entre une réalité quantique et sa traduction en un monde tangible. L’esprit est associé à un champ quantique sans énergie ni matière qui sélectionne, par une intention mentale, un évènement dans le champ des possibles, champs de probabilités caractérisant le monde quantique.

Quant au mathématicien et physicien Roger Penrose et à l’anesthésiste Stuart Hameroof, ils proposent que la conscience émerge de l’activité quantique présente au sein des microtubules du cerveau. Les microtubules sont des microstructures en forme de tube et faits en protéines. Ils sont présents dans toutes les cellules animales comme végétales, parcourant de part en part les cellules, formant leur micro-squelettes et permettant aussi, tels des rails microscopiques, l’acheminement des molécules d’un point à l’autre du milieu cellulaire. De petite taille, l’intérieur de ces tubes serait propice à l’effondrement des fonctions d’onde quantiques. Cet effondrement quantique fait passer l’onde de probabilité de présence des particules dans l’espace, à sa concrétisation en un corpuscule dans un endroit localisé. Le réseau micro tubulaire présent dans le cerveau créerait ainsi un champ quantique, donc non local, dans lequel les informations reçues et analysées seraient stockées. Il en résulterait un flux unifié et cohérent d’informations : la conscience de l’organisme.

A moins que, comme le proposent indépendamment le professeur de biologie moléculaire Johnjoe McFadden2 et la neurophysiologiste Susan Pockett, ce soit le champ électromagnétique dégagé par l’activité électrique du cerveau qui formerait un champ unifié, la conscience, pouvant agir en retour sur le cerveau lui-même ? L’activité électrique des neurones provoquerait ainsi un champ magnétique unifié. L’information, la mémoire ne sont pas à chercher dans le cerveau et ses neurones, mais dans le champ magnétique qui en découle et qui pourrait modifier l’activité neurale, apportant ainsi un peu de libre-arbitre.

Rien ne permet de rejeter ces dernières hypothèses. Mais rien ne permet non plus de les accepter. En incluant des données physiques et en ayant un regard plus vaste sur le monde phénoménal qu’une vision purement physiologique, ces derniers modèles ont l’avantage certain de proposer des explications moins réductionnistes sur l’origine de la conscience et compatibles avec la physique actuelle et ses propriétés étranges et non locales. Est-ce une étape pour comprendre l’aspect désincarné ou transcendant de la conscience ?

Pour aller plus loin  le cerveau, un récepteur de la conscience ?

Mais comment mettre en évidence l’élaboration de la conscience alors qu’elle semble si intangible ? Est-ce en cherchant dans le cerveau que les mécanismes de la conscience pourront être mis en évidence ? Et si la conscience qui échappe pour le moment à toute objectivation se trouvait en fait au-delà du cerveau ? Proposition arriérée et dépassée diriez-vous ! Mais prenons l’analogie avec le poste de radio ou le téléphone portable. Est-ce en étudiant l’électronique d’une radio ou d’un téléphone portable que l’on trouvera des informations sur l’origine des voix entendues ? On sait bien que non. Les correspondants ne se trouvent pas dans le poste radio ni dans le téléphone portable. Ils peuvent se situer au contraire à des milliers de kilomètres de la radio ou du combiné. L’étude d’un poste radio va nous indiquer comment celui-ci fonctionne, mais elle ne nous donnera aucune indication sur l’origine des voix qu’elle capte et sur ceux qui les émettent. N’en serait-il pas de même pour cette conscience que l’on cherche toujours ? Ce qui est certain, c’est que si le poste radio ne fonctionne plus, il ne sera plus possible de réceptionner les ondes (car oui, on le sait, les voix sont transportées par les ondes) pourtant toujours présentes, et d’écouter les émissions ou vos interlocuteurs qui ont toujours lieu et sont toujours là. De même, si le cerveau est endommagé, la conscience pourrait toujours être intacte mais ne plus pouvoir être réceptionnée ou captée par le cerveau. Garder à l’esprit cette analogie permet de comprendre qu’il reste peut-être tout un pan du monde à découvrir. Ce n’est pas en centrant son attention sur une vision réductionniste du cerveau que les scientifiques pourront répondre aux nombreuses questions restées longtemps sans réponse claire et précise, alors que cela fait depuis que l’homme est homme qu’il cherche à se comprendre, à comprendre le monde et le sens de la vie.

Les théories sont plus aisées à faire que leur vérification expérimentale. Avoir une confirmation par l’expérimentation est une tout autre affaire. L’approche d’une compréhension générale du fonctionnement global des neurones reste très théorique devant la complexité du cerveau. Connaître ce qui se passe réellement au sein de ces réseaux de neurones hyper-connectés reste un défi pour la science malgré les progrès technologiques et les nouvelles techniques d’imagerie cérébrale. Si les progrès dans notre compréhension du fonctionnement intime du cerveau ont été considérables, ceux-ci restent cantonnés essentiellement au niveau moléculaire ou bien au niveau des modules du cerveau. Il est difficile d’avoir une vision un tant soit peu précise sur le fonctionnement hiérarchique du cerveau, entre ses différents modules et glandes. Et ce sont ces multiples niveaux hiérarchiques qui permettent le traitement, l’analyse et la synthèse de l’information. Entre le fonctionnement local, moléculaire et synaptique, et le fonctionnement global qui permet la transformation et l’association des informations reçues, il existe toute une série de hiérarchies intermédiaires de réseaux de neurones qu’il est difficile d’individualiser. L’écologie du cerveau est encore balbutiante. Et comme l’écrit si bien Jean-Didier Vincent3, la biologie des passions et de nos états d’être n’est pas réductible, de loin, à quelques équilibres hormonaux. Et entre molécules et sentiments ou molécules et émotions, qui ont vraiment le premier mot ? Et la conscience, elle, est toujours à découvrir. Mais de nouveaux modèles qui arrivent vont peut-être élargir notre horizon.

Un modèle non biologique de la conscience : Giulio Tononi et la théorie de l’information intégrée (TII) 4

Une nouvelle théorie sur la conscience, apportant un véritable renouveau, a été proposée en 2008 par Giuilo Tononi5 qui, en son temps, travailla avec Gerald Edelman. Il propose même une hypothèse révolutionnaire puisqu’elle ne réduit plus la conscience au cerveau, mais à la quantité de traitement de l’information opérée par un système, qu’il soit donc biologique ou pas. Révolutionnaire donc car la conscience peut être présente dans des systèmes non biologiques comme les ordinateurs, les Smartphones, voire une simple calculatrice. Tononi part du phénomène de l’expérience elle-même pour définir cinq caractéristiques essentielles de l’expérience consciente : l’existence, la composition, l’information, l’intégration, et l’exclusion, stipulant ainsi que la conscience existe, qu’elle est structurée, spécifique, unifiée et définie. De là, il développe cinq postulats, liés aux cinq caractéristiques définies précédemment, requis pour qu’un système physique puisse présenter de la conscience.

Pour Tononi, cette conscience émerge du traitement des informations. En appliquant la théorie de l’information de Shannon au cerveau et en l’étendant à tout système récupérant de l’information, et en analysant celle-ci et en la traitant, il propose une formule quantifiant le niveau d’informations intégrées, ou le niveau de conscience.

Dans cette théorie, il existe donc des niveaux de conscience selon la capacité de traitement d’informations des systèmes. Plus elle sera élevée, plus le système sera conscient. Ce modèle ne propose pas que tout ait une conscience. Un certain niveau d’intégration de l’information est requis. Une théorie demande des expériences pour être vérifiée et comme tel, des prédictions peuvent être proposées par la théorie et ensuite testée expérimentalement. La conscience cependant serait beaucoup plus présente qu’on ne le pense selon cette théorie de l’information intégrée, et aussi à cause de la présence de système de systèmes comme les réseaux d’ordinateurs ou même au réseau Internet, voire d’un multi-organisme composé d’un grand groupe de plusieurs individus. Des super-consciences, peut-être, nous observent;

LA CONSCIENCE DE LA MATIÈRE

Après avoir étudié l’hypothèse que la conscience provient de la matière, par émergence ou épigénèse, une autre proposition ici est abordée. Celle qui voit une conscience qui n’est pas issue du développement de la matière mais qui lui est juxtaposée. Conscience et matière fonctionnent ainsi ensemble et sont en lien dès le départ.

L’observateur en physique

Une révolution a eu lieu en physique, un domaine que l’on croyait loin de la conscience. L’avènement de la mécanique quantique au début du XXe siècle a fait découvrir au monde tout un pan de la réalité. Le monde infinitésimal des particules et leurs étranges comportements. Un monde tellement petit qu’une simple mesure, celle des physiciens avec leurs appareils de mesures sophistiqués, une observation, voire même un regard, interagiront et modifieront ce qui est mesuré et observé. Le regard ainsi change le monde.

Il a été découvert que ces particules sont doubles. A la fois onde, comme celle provoquée par un caillou jeté dans l’étang se répartissant dans l’espace et présente à plusieurs endroits en même temps ; à la fois corpuscule, comme une boule de billard localisée dans un endroit bien précis. La particule quantique est ainsi locale et non locale en même temps.

La possibilité de présence physique des particules sur l’onde immatérielle est définie mathématiquement par une fonction d’onde de probabilité. La particule est donc nulle part et pourtant potentiellement partout dans son espace d’influence. Elle a en fait plusieurs états superposés à la fois. Toute observation ou mesure va interagir avec cette onde de probabilité et provoquer une perturbation se traduisant par l’effondrement de la fonction d’onde sous une forme de corpuscule dans un endroit donné. Ce phénomène est appelé la réduction du paquet d’onde. Il y a ainsi une transition des potentialités à l’actualisation d’un corpuscule, la transition d’une immatérialité à une matière concrète. Pour certains physiciens6, ce passage se fait au moyen de la conscience. C’est la mesure, ou l’observateur, qui permet le passage de l’onde à la particule. Et derrière cet observateur, il y a bien une conscience. Selon cette interprétation de l’effondrement du paquet d’onde, l’observation, soit la conscience, permet la concrétisation du monde physique matériel.

La matière, inhérente à la conscience et inversement

Si c’est bien le cas, ne faut-il pas alors supposer que, depuis que le monde est créé, une conscience observe, permettant ainsi au monde matériel d’être et d’exister ? Cela ne suppose-t-il pas qu’une conscience observe le monde depuis le début de l’univers ? Matière et conscience seraient donc indissociables. L’une ne pouvant aller sans l’autre et réciproquement. A toute matière serait donc associée une conscience et à toute conscience serait associée une matière. Et de fait, la prise de conscience d’un fait le rend précisément réel.

La Physique et la conscience

Plusieurs physiciens ont développé cette association inhérente entre matière et conscience. Jean Emile Charon (1920-1998) un physicien français, a développé la théorie de la relativité complexe7 dans laquelle il associe une conscience à toute particule. La conscience donne à la particule une ouverture sur le monde qui lui permet d’acquérir des informations, une expérience, une mémoire et une liberté. Plus elle acquiert de l’expérience, plus elle emmagasine de la mémoire, plus elle pourra avoir un comportement complexe. C’est ainsi que l’évolution avance, des structures les plus simples aux structures les plus complexes. En partant du règne minéral, la particule pourra former par le lent processus de l’évolution, le monde végétal, puis animal et humain. Mais l’évolution n’a pas de raison de s’arrêter à l’homme. Elle continue certainement vers des formes de vies de plus en plus conscientes, de plus en plus connectées avec leur environnement et de plus en plus en unité avec le cosmos.

Dans la théorie de Jean Charon, la particule est un intermédiaire entre deux mondes, le monde réel et le monde imaginaire (Ces deux notions étant à prendre dans le sens mathématique du terme8). Le monde réel est celui de notre espace-temps, le monde dans lequel nous évoluons ; le monde imaginaire crée le monde réel. La conscience, ou la particule sont à l’interface entre ces deux mondes. Dans la théorie de la relativité complexe, la conscience est associée à chaque particule, ce qui permet aux particules d’accumuler de l’expérience et ainsi, à l’univers d’évoluer. L’évolution de l’univers se fait ainsi parallèlement en matière et en conscience.

Pour Emmanuel Ransford, épistémologue et chercheur indépendant français, il est nécessaire d’introduire de la psyché dans les particules pour comprendre le comportement étrange du monde quantique.9 Introduire un peu de libre-arbitre dans la matière permet d’éclaircir le fonctionnement de la matière d’un coup. Le monde quantique est caractérisé par l’aléatoire. Mais pour le choix entre les possibles, soit on fait appel au dieu hasard qui explique tout ce que l’on ne sait pas expliquer, soit on fait appel au choix des particules et à leur libre-arbitre en fonction de leurs contraintes environnementales. Chaque particule a donc un double aspect, comme un oeuf, avec un blanc bien visible et un jaune à l’intérieur, non visible. Il s’avère en fait que tous les jaunes d’oeuf sont reliés entre eux par leur aspect intérieur et psychique, tout en étant associés à leur matière visible, le blanc d’oeuf. Ils sont en relation intrinsèque au-delà de l’espace, comme par télépathie instantanée. C’est cet aspect qui explique l’unité de la matière, son intrication, découverte par la mécanique quantique, qui fait que deux particules issues d’une même source au même moment, puis éloignées, agissent comme si elles étaient la même particule10, comme si elles étaient reliées et totalement unies, même si elles sont à des millions d’années lumière de distance. Il y a non-séparabilité. Emmanuel Ransford propose donc de parler d’holomatière et d’holoparticule, intégrant ainsi les parties physique et psychique en un tout cohérent et explicatif à la fois du monde physique classique (macroscopique) et quantique (microscopique). Quand la matière utilise sa partie psychique, elle a un comportement étrange (quantique), mais si elle ne l’utilise pas, son comportement est classique et ordinaire.

Enfin, Philippe Guillemant, un autre physicien français, travaillant au CNRS, annonce même, qu’inévitablement, la physique intégrera la conscience pour mieux comprendre le monde.

La conscience baigne l’univers

Une nouvelle vision du monde pour la science apparaît. Celle d’un univers rempli de conscience et qui évolue à la fois en matière et conscience. Cette dernière est actrice de l’évolution. Elle permet l’observation, l’expérience, l’accumulation d’informations, la connaissance, la liberté et ainsi l’évolution. La science ne découvre-t-elle pas ainsi ce que la spiritualité nous dit depuis des millénaires ? Elle découvre que l’univers serait conscience et propose même qu’une conscience individuelle pourrait être immortelle.

La conscience extra-neuronale

En effet, des expériences de mort imminente peuvent avoir lieu alors que l’activité cérébrale des personnes qui les vivent est sous contrôle et analyse. Alors que l’électroencéphalogramme est plat, des personnes ont conscience de leur expérience de mort imminente, elles voient, entendent, se remémorent. Et ce qu’elles ont vu et entendu est bien confirmé par des témoins (proches, personnels infirmiers ou médecins). Comme un cerveau ayant l’électroencéphalogramme plat ne peut pas avoir d’activité sensorielle, il faut supposer que la conscience est dissociée du cerveau, ainsi que les sens qui leur ont permis de voir, d’entendre, de sentir. Pour expliquer ces expériences, l’hypothèse d’une conscience individuelle dissociée du cerveau peut être posée. Comme nous le proposions dans la première partie de l’article, le cerveau ne serait-il pas le réceptacle, en ce qui nous concerne, être humain, de notre conscience individuelle ? Jean-Jacques Charbonnier propose l’existence d’une conscience intuitive extracorporelle11 individuelle et reliée avec une conscience universelle plus globale.

TOUT EST CONSCIENCE

Avec ces nouvelles propositions, l’affirmation que tout est conscience devient une évidence. De l’atome à l’univers, en passant par la cellule, l’organe, l’organisme, les espèces, les planètes, les étoiles, les systèmes solaires, galaxies et amas de galaxies, Tout est conscience. Tout système, c’est-à-dire toute unité fonctionnelle intégrant des sous-unités pour son fonctionnement global ou s’intégrant lui-même dans un système plus grand, a une conscience, et intègre également en son sein des unités de conscience plus petites. A chaque système sa conscience systémique globale et ses consciences mineures locales correspondant à ses sous-systèmes. On pourrait dire qu’à différents niveaux de structure de la matière correspondent différents niveaux de conscience et u’à différents états de matières correspondent différents états de conscience.

Et l’évolution se fait avec la conscience et grâce à la conscience qui observe, accumule des informations et des expériences, grandit en connaissance, en indépendance interdépendance, et en unité avec son environnement. A ses débuts, cette évolution se fait de façon inconsciente.

Mais partir du stade de l’auto conscience, une nouvelle phase de l’évolution a lieu. Celle où l’évolution se prend en main, celle de la responsabilité des systèmes en jeu. Et ce stade correspond à celui du stade humain.

De la séparativité à la non séparatibilité

L’auto-conscience nous met aussi en relation avec le monde de l’intérieur, ce monde du dedans qui révèle l’unité entre tous les éléments du cosmos et qui débouchera inévitablement sur un monde de fraternité et de coopération.

L’homme n’est-il pas un intermédiaire entre un monde qui évolue sans conscience et un monde qui, en ayant conscience de lui-même, prend en charge sa responsabilité, et en étant responsable de ses actes peut prendre en charge la bonne marche du monde ?

De même que la particule quantique est en lien avec les deux mondes, avec deux réalités, l’une d’unité et de liens intrinsèques, l’autre d’apparente séparativité dans l’espace-temps ordinaire, l’homme n’a-t-il pas la possibilité grâce à un travail en conscience, de découvrir et de se connecter avec cette unité ? Sa conscience individuelle se mettra alors en relation avec la conscience universelle dont elle est issue. Ce retour à la Source ne peut se faire, selon les différentes traditions spirituelles, que par un travail en conscience, un travail sur soi dans l’instant, révélant l’impermanence de la matière et la prédominance de l’Observateur Silencieux, créateur des mondes. Cette conscience individuelle immortelle est unie à la conscience universelle. Chacun est libre de suivre ce chemin selon son rythme, selon sa motivation, selon le service qu’il pense devoir exercer pour le monde et dans le monde, tout en sachant que l’on n’est pas du monde. Mais ne provenons- nous pas en fait de cette réalité intérieure qui sous-tend le monde des apparences ? Puissions-nous avancer selon ce que nous murmure la voix de notre âme, tout en sachant qu’au delà des apparences, le but est en fait déjà atteint car déjà accompli, hors du temps, dans l’Eternité.

1 Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience. Ed Vuibert.
2 http://www.automatesintelligents.com/echanges/2002/avr/mcfadden.html
3 Jean-Didier Vincent : Biologie des pas­sions, ed. Odile Jacob
4 En anglais : http://www.scholarpedia.org/article/Integrated_information_theory
5 Giulio Tononi, Phi: A Voyage from the Brain to the Soul
6 Eugène Wigner (1902-1995), prix Nobel de physique en 1963, est l’un des tenants de cette interprétation où la conscience tient un prédominent dans l’effondrement du paquet d’onde.
7 Jean E. Charon, le Tout, l’esprit et la matière; Editons Albin Michel. La relativité complexe est un prolongement de la relativité générale d’Einstein. Ce prolongement est permis en utilisant une spécificité des mathématiques, les nombres complexes.
8 Les nombres complexes, ou imaginaires, ont été inventés au XVIème siècle. Ils sont caractérisés par l’existence de nombres dont l’élévation au carré est négative. Ainsi, i² = -1, où i est le nombre imaginaire. Utilisés en physique, les physiciens découvrent des mondes imaginaires ainsi que l’existence d’un temps imaginaire.
9 Tom Atham et Emmanuel Ransford, les racines physiques de l’esprit, le mystère des quanta et de la conscience; Editions Quintessence. Emmanuel Ransford, la conscience quantique et l’au-delà, une voie inédite vers l’Eternité, Guy Trédaniel éditeur.10 Le physicien Alain Aspect a confirmé en 1982 à Orsay par l’expérimentation, cette non-séparabilité entre particules intriquées
11 Jean-Jacques Charbonnier, La conscience intuitive extraneuronale : Un concept révolutionnaire désormais reconnu par la médecine, Guy Trédaniel Editeur